Il y a eu un certain soulagement lundi, en fin de matinée, lorsque nous avons appris qu’une opération policière était en cours, devant la compagnie des Emballages Bettez, boulevard des Récollets à Trois-Rivières. Vers 10 heures lundi donc, pas moins d’une soixantaine de policiers de la Sureté du Québec et de la police de Trois-Rivières, ont procédé à l’arrestation de Jonathan Bettez, un homme de 36 ans et ont également perquisitionné, en plus de son lieu de travail, deux résidences : celle de ses parents et un logement qu’aurait occupé le suspect, jusqu’à assez récemment.
Six chefs d’accusation en lien avec de la pornographie juvénile
D’après plusieurs sources, des milliers de fichiers de pornographie juvénile, impliquant des enfants de 8 à 12 ans, auraient été trouvés par les enquêteurs.
Après avoir été interrogé jusqu’aux petites heures du matin ce mardi, Jonathan Bettez a été déferré devant le juge, au palais de justice de Trois-Rivières, où il a fait face à six chefs d’accusation : deux pour avoir accédé à de la pornographie juvénile, deux autres pour possession, un pour avoir rendu accessible et un dernier pour possession de pornographie juvénile, en vue de la transmettre, de la distribuer, de la vendre ou de l’exporter. Les faits se seraient produits entre le 4 novembre 2009 et le 30 septembre 2013.
Comme c’est d’usage dans ce type d’affaires, et dû au fait que Jonathan Bettez n’a pas d’antécédents judiciaires, il a pu retrouver sa liberté, en échange du paiement d’une caution de 5,000$, de la remise de son passeport et de la promesse de respecter un certain nombre de conditions. Il devrait être de retour en cour, le 19 septembre prochain.
L’éléphant dans la pièce
Le nom de Jonathan Bettez, circule depuis de nombreuses années, dans la ville de Trois-Rivières et en Mauricie. En effet, selon Daniel Renaud de La Presse, le Trifluvien est le principal sujet d’intérêt des enquêteurs, dans une toute autre affaire, celle de la disparition et du meurtre de Cédrika Provencher. Bettez avait été rencontré en 2008 par les enquêteurs, puisqu’il était le propriétaire d’une Acura rouge, correspondant parfaitement aux descriptions se rapportant à un véhicule, aperçu à proximité du lieu de la disparition de la fillette de 9 ans.
Alors que tous les autres propriétaires d’Acura rouges, ont pleinement collaborés avec les enquêteurs de la Sureté et ont tous été écartés, seul, Jonathan Bettez, a refusé l’interrogatoire polygraphique et reste, encore aujourd’hui, le principal sujet d’intérêt dans l’affaire qui à secoué le Québec, il y a maintenant neuf ans. Il est le sujet d’intérêt dans l’affaire, non pas l’accusé (pour que cela soit bien clair pour tout le monde).
Selon d’autres informations, à prendre avec les précautions d’usage, le véhicule aurait été nettoyé en profondeur et aurait été ensuite cédé ou vendu aux États-Unis (N.d.A : information reprise par plusieurs médias depuis). D’après plusieurs médias, les enquêteurs auraient procédé à des analyses sur le véhicule, mais seulement après son nettoyage.
Ajoutons à cela, un « trou » de deux heures dans son emploi du temps du 31 juillet 2007, jour de la disparition de Cédrika Provencher, qui n’aurait jamais pu être expliqué par l’intéressé, selon le chroniqueur judiciaire Claude Poirier, qui avait été très impliqué au plus fort de l’enquête.
En plus de ne pas, ou de peu collaborer avec les enquêteurs, selon plusieurs journalistes et blogueurs, beaucoup d’efforts auraient été déployés pour que jamais, le nom du suspect ne puisse être associé, à celui de Cédrika Provencher. Un cabinet d’avocats de Trois-Rivières, aurait en effet été mandaté, afin de menacer les médias traditionnels (et non-traditionnels), de poursuites dans le cas contraire.
Malgré tous ces efforts et l’argent vraisemblablement investi, il n’était néanmoins pas très difficile de remonter la piste jusqu’au nom de Jonathan Bettez. Quelques forums et même les critères de recherche des algorithmes de Google, relié à des requêtes précédentes effectuées par des internautes, permettaient d’identifier l’individu.
Après les événements de lundi et surtout, de ce mardi, suite à la divulgation du nom de Jonathan Bettez, nous pouvons dire que tous ces efforts ont été vains. D’ailleurs, quand on voit le déferlement médiatique autour de cette affaire, il est clair que les médias « se gattent » en retournant en quelque-sorte, l’ascenseur vers la famille Bettez, après pratiquement huit ans de silence forcé.
Symbolique de la date
Malgré le fait qu’aucune accusation, en relation avec l’affaire Cédrika Provencher, n’aie été portée à l’encontre de Jonathan Bettez, il y a des coïncidences difficiles à expliquer.
En effet, il se trouve que l’arrestation de Jonathan Bettez, a été effectuée le jour de l’anniversaire de naissance de Cédrika (elle aurait eu 19 ans ce lundi). Interpeller une personne d’intérêt dans une affaire, le jour anniversaire de la victime, avouez que c’est tout de même curieux. Surtout connaissant la grande implication de l’actuel directeur général de la Sureté du Québec, Martin Prud’homme, alors qu’il était enquêteur au moment de la disparition de la fillette et que de nombreux membres de la SQ, outre le fait d’être impliqués émotionnellement, travaillent depuis plus de huit ans, sans relâche, sur ce dossier.
D’après Claude Poirier, en plus des enquêteurs chargés des réseaux de pornographie juvénile, des enquêteurs impliqués dans l’affaire de Cédrika Provencher, auraient également participé, de près ou de loin, à l’interrogatoire du suspect.
Il se trouve aussi, que l’enquête aurait sensiblement progressé, lorsque des ossements de Cédrika ont été découvert l’hiver dernier, dans un boisé de Saint-Maurice, aux abords de l’autoroute 40. Le ratissage d’une zone à proximité du lieu de la découverte, qui était programmée pour trois jours et qui n’a duré que quelques heures au printemps dernier, aurait également permis d’obtenir des éléments supplémentaires. Néanmoins, cette information apportée également par Claude Poirier, n’a jamais été confirmée officiellement.
Pour finir, l’importance inhabituelle du déploiement policier ce lundi, fait aussi se poser certaines questions. Une soixantaine de policiers, c’est le genre de déploiement auquel on s’attend, dans des affaires de réseau impliquant plusieurs individus, voire même des opérations coordonnées, dans des affaires de grand banditisme. Pas pour l’arrestation, d’un « simple » accusé de possession de matériel de pornographie juvénile.
Innocent, jusqu’à preuve du contraire
Bien entendu, que cela soit au sujet de la pornographie juvénile ou de l’affaire Cédrika Provencher, il n’est pas permis de juger qui que ce soit, avant qu’un tribunal en décide autrement.
La présomption d’innocence ne regarde que la cour de justice, dans le cadre d’un procès équitable. Par contre, cela ne veut pas dire que nous pouvons juger un individu impunément, dans les médias ou en public. Cela s’appellerait de la diffamation.
Ceci explique dans cet article l’usage du conditionnel (au sujet des faits non vérifiés ou officiellement établis), mais aussi du fait que je me garde bien de dire si je crois, ou non, aux accusations qui sont portées à l’encontre de Jonathan Bettez. Ceci n’étant absolument pas l’objet de cet article. Cependant, j’estime qu’il est d’intérêt public que le plus d’informations possible puisse être disponible, afin d’avoir l’éclairage le plus complet, sur les tenants et les aboutissants de cette affaire. Ceci pourrait aider à une meilleure compréhension de ce qui pourrait suivre. Pour ne pas dire de ce qui suivra.
Pour terminer, je trouve profondément disgracieux, l’accueil de « colons » qui a été réservé ce mardi à Jonathan Bettez, à son arrivée et à sa sortie du palais de justice, par une poignée de « pas d’classe ». Les injures et les crachats dont il a été la cible, sont des comportements de sauvages et non de gens civilisés. Comportements malheureusement assez fréquents dans certaines affaires criminelles. Si des individus veulent à ce point se manifester, qu’ils le fassent en silence en portant, par exemple, des photos de victimes ou des messages de soutien aux familles, s’il y a lieu. Ou encore mieux, d’attendre une éventuelle condamnation.
À suivre…
Évidemment, Québec Presse restera à l’affut des prochains développement de cette affaire. Ne manquez pas de nous suivre sur Facebook et d’écouter les prochains épisodes du Podcast du Radioblog.