Oh oui, je le sais ! 78 jours c’est long. Le Canada et ses dates d’élections décidées au bon plaisir du pouvoir en place, n’avait pas l’habitude de connaître des campagnes aussi longues. Je comprends que ça fasse jaser, mais il va falloir en revenir. Les Vincent Marissal de ce monde, devraient regarder comment ça se passe ailleurs, par exemple aux États-Unis, où la campagne commence avec les primaires (et encore ! N’a t-elle pas déjà commencé depuis un moment déjà ?), où en France, alors que les candidats sortent affiches et pamphlets 8 ou 10 mois avant le scrutin !
Est-ce que c’est une raison pour faire pareil ici ? Ça dépend ! Si c’est l’occasion d’écouter un peu plus les candidats, pourquoi pas ! Je ne parle pas juste des chefs ici, je parle des gens pour qui on vote. Les noms en face desquels on doit inscrire un « X ».
Pour certains, ça sera plus difficile que pour d’autres et je comprends que le NPD, par exemple, ne soit pas vraiment enthousiaste, à devoir laisser potentiellement plus de temps de parole à ses candidats dans les médias locaux. Car nous vous y trompez pas, les électeurs jugeront aussi sur les performances, des gens qui parleront dans les médias de leur coin de pays. Rien qu’à penser à la région de Québec, où la population est plus passionnée qu’ailleurs pour la politique et les débats.
Le Parti Conservateur du Canada
Il était normal de commencer par le parti actuellement au pouvoir. Le Parti Conservateur l’est d’ailleurs depuis 2006, soit un peu moins de dix ans, ce qui est une belle performance, surtout que ce parti a toujours été donné comme battu par les analystes au moment du déclenchement des élections. Et cette élection reste conforme aux précédentes.
Sauf que l’usure du pouvoir, pèse de plus en plus dans la balance. Stephen Harper pourrait avoir le meilleur des bilans possibles, il y a une mécanique difficilement arrêtable dans la tête des électeurs : la lassitude et le besoin de changement. C’était déjà le cas à la précédente élection, ça le sera encore plus cette fois.
Autre constante qui revient à chaque élection : Stephen Harper sera, encore une fois, seul contre tous. Les partis d’opposition n’ayant pas de bilan à défendre, ils devront donc attaquer celui de Harper et ça devrait tirer dans toutes les directions. Mais encore ici, il n’y aura pas vraiment de surprises.
En même temps, on dirait que Stephen Harper est à l’aise dans ce genre de situation. Et même en étant en arrière dans les sondages, une majorité de Canadiens le place en tête des premier-ministrable. Comme quoi, ce n’est pas si évident que cela puisse paraître.
Les enjeux pour le PCC seront un peu identiques à ceux du scrutin de 2011 : faire une solide performance en Ontario, faire des gains au Québec et ne pas fléchir dans l’Ouest. Dans quelle mesure, d’ailleurs, les résultats des dernières élections en Alberta viendra peser dans la balance ? Il est encore trop tôt pour le dire.
Évidemment, Stephen Harper jouera sur l’expérience et la stabilité. Là-dessus, même quand on parle d’une normale lassitude de l’électorat, la stabilité reste une de ses meilleures armes. La Canada, quoiqu’on en dise parfois dans certains médias, s’en sort plutôt bien et le pays est souvent cité comme modèle de stabilité, parmi les autres nations industrialisées.
Certes, on est très loin de la perfection, mais comme pour le reste : « quand on se compare, on se console ». Suffit de voyager un peu, en Europe surtout, pour s’apercevoir que nous sommes choyés ici. Sérieusement, je n’échangerais pas ma place pour celle d’un Européen.
Autre avantage certain pour les conservateurs : l’argent. Le PCC a les moyens d’une longue campagne, les caisses débordes et il est vrai que Stephen Harper compte là-dessus pour se procurer un avantage sur les autres partis.
Le Parti Néo-Démocrate
Parti qui a connu une forte poussée au mois d’avril 2011, en pleine campagne électorale, au détriment du Parti Libéral qui s’était littéralement effondré.
Beaucoup, et j’en faisais partie, pensait qu’il s’agissait d’un feu de paille, d’un effet « Layton » et que tout allait se replacer par la suite. D’ailleurs, en voyant les têtes d’affiches NPD, élues à la faveur de la fameuse « vague-orange », je me disais qu’autant d’inexpérience et parfois même de totale improvisation, allait intensifier la « débarque » du NPD dans les sondages d’opinons.
Quatre ans après, force est de constater que nous nous sommes trompé. Le NPD reste fort, au Québec, mais aussi en Ontario. Même sans Jack Layton, Thomas Mulcair, d’approche beaucoup moins joviale que son prédécesseur, maintient son parti bien en place. On pourrait même parler d’un enracinement durable dans certains comtés.
C’est d’autant plus étonnant que Mulcair a beaucoup voyagé. Ministre libéral au Québec, sous Jean Charest, on lui prête des intentions d’avoir voulu rejoindre le Parti Conservateur du Canada, puis débarque au NPD pour en devenir le chef.
Néanmoins, comme je le disais en introduction, la campagne sera longue et Thomas Mulcair à beaucoup à perdre. Tous s’attendent à un bon score du NPD, voire même à son accession au pouvoir. Les courbes des intentions de vote sera donc scrutée à la loupe et je ne pense pas que le parti pardonne un score en-deçà de ceux de 2011. Pour le moment, il est vrai que cela n’en prend pas la direction.
L’électorat reste néanmoins versatile. Les électeurs libéraux déçus, pourraient retourner au bercail si jamais ce qu’ils entendent du NPD ne fait pas leur bonheur. C’est assez clair depuis 2011, il y a eu un effet de vases-communicants entre le PLC et le NPD… ça ne prend des fois pas grand chose pour que le sens d’écoulement s’inverse.
Mais le NPD garde cette image neuve et attractive pour certains, qui détonne beaucoup avec le vieux rouge libéral. C’est ça la force du NPD, qui parvient à rester « Nouveau », alors que le parti a été fondé au début des années 1960 !
Le Parti Libéral du Canada
L’éternel grand perdant au pays et ce, en fait, depuis le scandale des commandites de 2006. Le bon vieux grand parti « Canadian », celui qui a rayonné sur le pays durant des décennies, n’est plus que l’ombre de lui-même. Il a été assommé en 2006-2008 et totalement anesthésié en 2011.
En terme de députés ça fait encore plus mal. À l’époque de l’ère Chrétien, en 2000, il y avait 172 députés libéraux, il n’en reste que 34 dans la chambre sortante.
La bonne nouvelle pour Justin Trudeau, c’est qu’il devient très difficile de faire pire que ses prédécesseurs : Stéphane Dion et Michael Ignatieff. Je ne peux pas croire que le PLC ne soit pas en mesure d’améliorer son score.
Cependant, plus que jamais, la concurrence avec le NPD sera forte. Et les deux partis fédéraux le savent : c’est en allant « piger » dans l’électorat de l’autre, qu’ils pourront espérer améliorer leurs scores respectifs. Sauf, peut-être, dans le cas du Québec, où le Bloc Québécois reste un vivier intéressant pour le NPD (un bloquiste ne votera jamais libéral, nous le savons). Mais le Bloc n’étant plus à 40%, ceux qui voulaient le quitter l’ont déjà fait en 2011.
Le problème du PLC, comme lors des précédents scrutins, c’est le chef ! Le parti a de l’argent, des moyens, des militants, une structure… mais des chefs épouvantables.
Paul Martin, Stéphane Dion et Michael Ignatieff… évidemment, pour lever les foules, réaffirmer l’esprit du parti libéral, on a vu mieux. Ils étaient tous trois des chefs par défaut et non par véritable élan populaire.
Avec Justin Trudeau, on aurait pu croire à quelque-chose de différent. Bon, il y a la jeunesse du candidat et ses airs de gendre parfait, qui tranchent avec les faces de nerds et de bibliothécaires de ses prédécesseurs. Ajoutons, bien-sûr, son nom… puis, pour reprendre une analogie sportive : sur le papier, son équipe était donnée gagnante.
Sauf que… Justin Trudeau, c’est un peu comme l’emballage cadeau qui sort du lot, qui brille beaucoup, mais qui déçoit quand on le déballe.
Et là, le parti conservateur n’aurait même pas besoin de « fesser » sur l’inexpérience du fils Trudeau. Ça saute aux yeux et aux oreilles dès qu’il ouvre la bouche.
Sérieusement, ça doit grincer des dents au sein du Parti Libéral. Justin Trudeau, oui, t’es bien content d’avoir sa face de premier de classe dans ton équipe, mais c’est le genre aussi à te donner des sueurs froides à chaque fois qu’il se présente devant les médias. Et tu t’en sors avec un grand soupir de soulagement, les fois où il n’a pas dit trop d’âneries.
C’est certain que ça ne sera pas facile du tout pour lui et j’espère pour le PLC, qu’ils ont deux ou trois autres ténors qu’ils pourront placer stratégiquement sous les projecteurs. Parce que sinon, la campagne sera déjà longue, mais encore plus longue pour les libéraux.
Le Bloc Québécois
Si le PLC a été anesthésié en 2011, le Bloc a été littéralement atomisé lors de la dernière élection. Et si ce n’était du retour de son ancien chef, celui-là même qui avait conduit le Bloc à son dernier désastre électoral, je n’aurais pas donné cher de la peau du Bloc en 2015.
Mais malgré tout, Gilles Duceppe est une figure. Quoiqu’on en dise, il devrait tout de même être meilleur que Mario Beaulieu. Non mais, imaginez deux minutes Mario Beaulieu dans un débat des chefs. Cela aurait été une catastrophe.
Donc, voici le bon vieux Gilles de retour. Un vieux routier qui connaît bien la partition et qui saura comment la livrer devant les médias.
Justement. La partition est la même. Elle ne convainc plus personne, depuis déjà bien longtemps et la gauchisation du Bloc, n’a juste que précipité le déclin du parti. Ce virage à gauche a fait partir la frange de droite vers l’abstention ou le vote conservateur, puis certains électeurs de gauche se sont dit : tant qu’à voter à gauche, pourquoi pas le faire pour vrai ? Et sont partis au NPD.
Mais Gilles n’a pas compris. Il s’acharne, il continue : les sables bitumineux, les méchantes banques, la droite religieuse, « HarPeur »… c’est la même musique, les mêmes paroles. Un discours qui fait toujours plaisir aux purs-et-durs, mais qui est un repoussoir pour ceux que le Bloc aimerait convaincre.
Tout comme le Parti Québécois, le Bloc s’affirme comme monochrome : le parti « arc-en-ciel » est définitivement de l’histoire ancienne. Désormais, le vocabulaire est teinté de « progressisme », de « sociale-démocratie » et d’anti-libéralisme économique. Ils se sont coupés de la droite-nationaliste et ils font maintenant tout pour que les ponts soient totalement anéantis.
Si c’était le but, c’est une totale réussite. Sauf que, la dernière vraie victoire souverainiste, autant au provincial qu’au fédéral, ça commence à dater de plus en plus et l’effet engendré par le retour de Gilles Duceppe, n’aura pas duré longtemps : la courbe des intentions de vote et retombée aussi vite qu’un soufflet sorti du four.
Autre embûche, l’argent. Les caisses du Bloc sont vides, l’argent ne rentre pas… pour eux aussi, la campagne risque d’être vraiment longue.