Un certain ethnocentrisme de nos médias, focalise l’attention des résultats de la dernière élection, sur le spectaculaire score du NPD de Jack Layton. De là, le grand gagnant serait donc l’homme sympathique à la blanche moustache, celui avec lequel on aimerait tellement aller prendre une bière en regardant un match du Canadien !
Je ne voudrais péter la baloune de personne mais, jusqu’à preuve du contraire, le véritable gagnant reste Stephen Harper, qu’on le veuille… ou non !
Victoire populaire
Tout d’abord, le Parti Conservateur du Canada a réussit son pari, celui de devenir majoritaire. Bien que tous les grands “spécialistes” et commentateurs politiques québécois en doutaient, Stephen Harper a capitalisé sur le ras-le-bol des Canadiens, qui en avaient plus qu’assez de devoir se présenter aux urnes tous les deux ans.
C’est peut être bien amusant au début, mais de devoir vivre sous la menace d’une nouvelle élection à chaque changement de saison, pour un oui ou pour un non, fini toujours par lasser. Du coup, le Parti Conservateur a pu compter sur quelques 600,000 voix supplémentaires qui se sont portées vers ses candidats (par-rapport à 2008), procurant aux Canadiens environ cinq ans de tranquillité électorale.
Car même si les conservateurs ont perdus quelques plumes au Québec, cela a été contre-balancé par un plus grand soutien populaire dans le reste du pays, y-compris dans les provinces maritimes. Ainsi, au Nouveau-Brunswick, les conservateurs obtiennent près de 44% des voix (1ère place), 36.7% en Nouvelle-Écosse (1ère place), 41% sur l’Île-du-Prince-Édouard (2ème place à quelques cheveux de la 1ère) et tout de même 28.4% des voix à Terre-Neuve et Labrador (3ème place).
Mais bien évidemment, le poids de ces provinces ne pèse pas bien lourd (avec un grand total de 31 circonscriptions), lorsque on les compare à la populeuse Ontario, qui rapporte pas moins de 73 députés aux Tories, avec 44.4% des voix, de très loin le premier parti de la province.
Donc, sur les six provinces de l’Est du pays, le Parti Conservateur arrive en tête dans trois d’entre-elles, dans lesquelles il obtient plus de 55% de ses députés (93 sur 167). Néanmoins, on entend déjà des commentateurs nous ressortir les vieux épouvantails usés, en nous parlant de ce “parti de l’Ouest canadien, déconnecté du reste du pays”, alors qu’une majorité de députés viendront, au contraire, de l’autre bord du Canada.
Victoire du bi-partisme
Mais pour Stephen Harper, il ne s’agit pas juste d’une simple victoire électorale, cela va plus loin. Harper, avec cette élection, c’est débarrassé en même temps d’un centrisme mou et hésitant, en envoyant le Parti Libéral du Canada aux oubliettes.
Un parti noyé par le scandale des commandites, dépourvu de véritable leader, incapable de se réformer et se balançant toujours à droite et à gauche, entre un conservatisme délavé et de la sociale-démocratie de salon. Les Canadiens en ont eu assez des hésitations et ont choisis les saveurs originales : une droite conservatrice et une gauche néo-démocrate.
Tout dépendra, bien-sûr, de la performance du NPD comme parti d’opposition, mais dans le pire des cas, l’enracinement du NPD pourrait enrayer toute tentative de résurrection du Parti Libéral et offrir de sereines perspectives aux conservateurs, pour les prochaines élections.
Victoire du fédéralisme d’ouverture
Le meilleur allié objectif des séparatistes a toujours été le Parti Libéral du Canada. En effet, nous avons toujours pu compter sur les chefs libéraux, pour “donner du gaz” au mouvement souverainiste. Que cela soit avec Pierre Elliott Trudeau ou Jean Chrétien, les libéraux étaient devenus maîtres dans l’art de réveiller la fibre souverainiste, que cela soit par des paroles ou par des actes destinés à rabaisser la nation québécoise.
Mais voilà, avec l’arrivée de Stephen Harper au pouvoir, est venu aussi le temps de l’apaisement. Fini les attaques assassines contre les souverainistes. Oubliées les vieilles querelles interminables, qui finissaient même par irriter les fédéralistes du Québec !
D’un coup, les conservateurs se sont posés en parti non-centralisateur, déterminés à faire disparaître toutes les raisons qui pourraient attiser le brasier constitutionnel. Ainsi, le déséquilibre fiscal a été réglé, même si cela a été utilisé à des fins électoralistes par Jean Charest. La nation québécoise a été reconnue, même s’il est vrai que cela relève beaucoup plus du symbole que d’autre chose, mais même ça, les libéraux ont toujours refusé de le faire. Les conservateurs n’ont jamais voulu intervenir dans les champs de compétences du provincial, ce qui était déjà là une belle amélioration, comparativement aux temps de Trudeau et Chrétien.
Que restait-il aux souverainistes du Bloc pour justifier leur existence ? En 2008, ils ont pu s’agripper aux coupures dans les milieux culturels. C’était mince, mais cela a suffit. Cette année, sur quoi pouvaient-ils compter ? Le nouveau Colisée de Québec ? Revenir encore une fois sur Kyoto et les méchantes pétrolières ?
Alors n’ayant pas beaucoup de drap sur lequel tirer, Duceppe s’est fâché. Durant toute la campagne, les Québécois n’ont vu en Gilles Duceppe, qu’un homme frustré, aigri, toujours en colère et négatif. Rien pour donner envie de voter pour le Bloc… surtout que les menaces envers la nation québécoise, relevaient désormais plus du fantasme que de la réalité.
Du coup, les Québécois ont tourné le dos au Bloc. La logique énoncée par Lucien Bouchard en 1990 est respectée : ce parti n’a jamais été conçu pour durer. Alors vu que Gilles Duceppe n’a pas été capable de “tirer la plug” et de concentrer ses forces sur le Québec, ce sont les Québécois qui s’en sont occupés !
Le plus ironique dans tout ça, c’est que le Parti Libéral du Canada s’est toujours posé en garant de l’unité canadienne, contre les séparatistes québécois du Bloc et que ces deux mêmes partis se sont fait écraser au même moment, lors de la même élection. Les uns se nourrissaient du succès de l’autre et inversement.
Victoire pour une majorité
Aussi grande soit la percée néo-démocrate, le NPD n’aura qu’un pouvoir extrêmement limité. Toute l’opposition réunie ne pourra donc rien contre la majorité conservatrice. De là, les délires post-électoraux fusent de partout : l’agenda (nécessairement caché) de Stephen Harper, alimente les chroniques comme pour exciter les foules, autant qu’une muleta le ferait sur un taureau.
Les conservateurs auront donc quatre à cinq ans pour convaincre. Convaincre qu’ils sont d’abord capables de gouverner ce pays si diversifié. Qu’ils sont capables de gouverner pour l’Ouest tout en calmant les ardeurs de l’Est, et inversement ! Rien que de le dire, on sait bien que cela ne sera pas facile.
Contrôler le budget, réduire les taxes et les impôts, rendre notre système de justice plus efficace et moins permissif, garder le plein contrôle de notre Grand-Nord… il y a bien des dossiers sur la table du premier ministre, mais en même temps, ce sont ses actions et non ses paroles, qui permettront de clouer définitivement le bec à ceux qui le prennent encore pour un dangereux extrémiste.
Mais les Canadiens ne se sont pas laissés prendre au piège et du coup, plutôt que de voter pour un homme avec qui ils aimeraient prendre une bière, ils ont voté pour un homme qu’ils voyaient bien dans le rôle de premier ministre !
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J. Guy Vachet
A droite comme à gauche, on aime bien voir ce qu’on veut. Mais faut pas tomber dans les “extrèmes” comme vous avez tendance à faire.
Duceppe l’arrogant a toujours bien défendu le Québec et je pense qu’il serait encore bien commode de l’avoir élu pour combattre les dégâts que Harper fait à l’image du pays sur la scène internationale autant que locale. Nier cela c’est de l’aveuglement volontaire.