L’affaire Barlagne se téléscope depuis peu avec la campagne fédérale. Ainsi, cette famille de Français installés au Canada depuis six ans, menacée d’expulsion, alimente le débat dans les médias et sur les réseaux sociaux. Instantanément, les partis d’opposition ont ainsi sautés sur l’occasion, afin de ne pas se faire oublier des électeurs.
Le premier d’entre-eux, le député de la circonscription de Twitter, un dénommé Denis Coderre, s’insurge contre la décision d’Immigration Canada d’expulser la famille Barlagne. Ainsi, Denis Coderre fait rougir son compte Twitter de façon assez soutenue cet après-midi :
Vers 15 heures, donc, le twitter-prolifique Denis Coderre trouve « inacceptable » la déportation de la famille Barlagne… avec trois points d’exclamations et un beau petit sacre, comme pour montrer qu’il est vraiment très très fâché. Mais est-ce que ce même Denis Coderre trouve aussi inacceptable, d’expulser une femme qui travaillait depuis treize ans au Canada, exploitée par différentes familles qui ne se souciaient que très peu de son sort ?
C’est le cas de Fatima Marhfoul qui, en mars 2003, fût expulsée du Canada, alors que Denis Coderre, ministre de l’immigration de l’époque, n’avait pas levé le petit doigt afin de sursoir à la décision de son ministère.
Fatima Marhfoul, esclave moderne
Fatima Marhfoul vivait dans des conditions proches de l’esclavage. Entrée au Canada treize ans auparavant comme aide domestique de l’ambassadeur du Maroc, Fatima fût transférée à une autre famille qui s’était engagée à lui procurer des papiers, afin de pouvoir continuer à travailler légalement au pays. Sauf que ce ne fût pas le cas et que son statut devint illégal sans qu’elle puisse en avoir véritablement conscience.
Fatima Marhfoul fût ballotée de famille en famille, travaillant parfois sans même être payée et dans des conditions souvent difficiles. Malgré sa situation et ses demandes afin de, enfin, pouvoir régulariser sa situation, Citoyenneté et immigration Canada refusèrent, même pour motif humanitaire, de lui accorder la résidence permanente. Pourtant, si l’expulsion est effectivement prévue par la loi, elle n’est pratiquement jamais appliquée pour ce genre de cas.
Aujourd’hui pourtant, pour Denis Coderre, le cas de la famille Barlagne est un cas « humanitaire » et interpelle directement le ministre Kenney :
À mon tour, j’ai décidé d’évoquer l’affaire Marhfoul auprès de Denis Coderre, en l’envoyant sur l’article paru dans Le Devoir de l’époque. Réponse de l’intéressé : « Vous prenez un raccourci facile. Chaque cas est unique et peut faire l’objet d’une décision autre pour raisons humanitaires ».
Raccourci facile ? Mais si le cas de la famille Barlagne, ne vivant pas dans le besoin, n’étant pas menacée de prison dans leur pays d’origine est un cas « humanitaire » selon les critères de Denis Coderre, que devrait-on penser du cas d’une femme exploitée durant treize ans et menacée de cinq ans de prison dans son pays, pour le simple motif d’avoir « osé » demander le statut de réfugié au Canada ?
Je ne dis pas que le cas de la famille Barlagne met en valeur l’intelligence de notre système de sélection, mais si « chaque cas est unique » selon Denis Coderre, laissons donc aux autorités habilitées à prendre une décision, tout comme l’ancien ministre l’avait fait en son temps.
Pourquoi, tout à coup, le cas Barlagne deviendrait-il plus important que celui de Fatima Marhfoul, pour laquelle il n’avait même pas pris position ? Est-ce juste parce que le Parti Libéral du Canada est en mauvaise posture dans les intentions de vote ?
D’ailleurs, l’usage du hashtag « #Fed2011 » par Denis Coderre sur ses deux tweets alors que le sujet, en toute logique, serait censé aller bien au-delà de la campagne électorale est particulièrement révélateur…
Références de l’article :
- « Le Canada expulse une Marocaine qui travaillait au pays depuis 13 ans« , Le Devoir du 3 mars 2003.
- « La famille Barlagne dépose une demande humanitaire« , La Presse du 14 avril 2011.
One Comment
Marie T.
Coderre magasine pour sa prochaine job de leader du Parti libéral. Il faut qu’il se montre absolument et qu’il fasse parler de lui.
Tu as bien fait de lui remettre l’affaire Marhfoul dans sa face!