Je me balade parfois sur le site de « Rue Frontenac », le site d’information des employés et des anciens-employés du Journal de Montréal, en lock-out depuis près de 800 jours. Que l’on soit pour ou contre, il faut reconnaître que « Rue Frontenac » fût une bonne idée au départ, même si l’orientation idéologique du site est très marquée à gauche. Mais bon, personne ne sera surpris ici en le lisant.
Aujourd’hui donc, durant ma visite sur « Rue Frontenac », je lis l’article (non signé) intitulé « Manifestation à Montréal contre la tarification des services publics« . On n’y parle des milliers de manifestants qui se sont rassemblés dans les rues de Montréal, afin de faire pression sur le gouvernement à quelques jours de la présentation du budget.
On n’y voit une belle photo de Claudette Carbonneau, en tête de la parade et on peut y lire un condensé des différents communiqués de presse de « l’Alliance syndicale ». Résumons vite fait : « non au privé » et « plus d’argent pour nous autres ». Je sais… je caricature, mais à peine !
Alors, après avoir lu l’article et sans doute par pure espièglerie, j’écris un commentaire dans lequel je m’étonne que l’article ne mentionne point le fait que des « figurants » ont été payés 50$, afin de venir participer à la manifestation. Mon message est envoyé, « en attente de modération », selon les termes mêmes du site internet. Rien de bien anormal jusqu’ici (cette procédure de validation est également appliquée sur Québec-Presse).
Patrick Gauthier n’est pas content de mon commentaire
À 13h37, plutôt que de voir mon message publié, je reçois un courriel de Patrick Gauthier, chroniqueur de « Rue Frontenac », dont je vous livre ici le contenu in extenso :
j’imagine que vous faites référence à ce qu’un « journaliste » a affirmé, sans preuve, à l’émission de Mario Dumont, un autre « journaliste »? Objectifs, mm. Duhaime et Dumont? Come on!
Patrick Gauthier a raison, l’information selon laquelle des gens ont été payés 50$, pour participer à la manifestation d’hier, vient bien de Éric Duhaime, chroniqueur à l’émission « Dumont » à V télé (Éric Duhaime, contrairement à Patrick Gauthier, ne se prétend pas journaliste). Mais apparemment, pour Patrick Gauthier, le fait qu’une information puisse venir de Éric Duhaime ou de l’émission de Mario Dumont, suffit à la discréditer. Ah ? Il y aurait donc les bonnes sources d’information et les autres ?
Soit… alors vu que le messager ne semble pas plaire à Patrick Gauthier, attardons-nous plutôt sur le message. Mais ici, Patrick Gauthier a également son avis sur la question : [il] « a affirmé, sans preuve ». Ce qui sous-entend que l’information de Éric Duhaime est fausse. Pour rappel, Éric Duhaime est tombé sur un courriel en provenance de la CSN, dans lequel il est écrit que le transport, le coucher, le déjeuner seront à la charge de la centrale multi-millionnaire et qu’en plus, une allocation de 50$ sera versée à chaque participant à la manifestation.
Mais, selon Patrick Gauthier, il n’y aurait pas de preuve…
Manque de rigueur journalistique
Si seulement Patrick Gauthier avait juste fait son travail de journaliste. Si seulement, Patrick Gauthier s’était donné deux minutes de son temps précieux (c’est ce que cela m’a pris), il aurait pu facilement trouver la confirmation de ce que Éric Duhaime a avancé sur les ondes de « V ».
Ainsi, Michelle Filteau, porte-parole de la CSN le confirme : la CSN offre bien le transport, le goûter, l’hébergement et un per diem aux militants qui se déplaceront à Montréal. Selon la centrale, il n’y a que les militants des régions éloignées qui bénéficieront de cet avantage. Sur ce dernier point, on est obligé de les croire, faute d’informations contraires.
Mais cela ne change rien à la question ! Les participants ont déjà tout de payé pour être de la manifestation (transport, bouffe et hébergement), mais en plus, on leur donne 50$ en argent ! Comment, des gens motivés, « militants » selon l’expression même du syndicat, devraient avoir besoin d’argent pour participer à la manifestation, alors que tout est déjà payé ? La « cause » aurait-elle besoin d’un coup de pouce ? La motivation des gens n’est-elle plus assez grande ?
C’est donc que le syndicat paye bel et bien des gens pour participer à la manifestation ! Ont-ils peur que des Gaspésiens en profitent pour fausser compagnie aux manifestants, en allant magasiner sur la rue Sainte-Catherine ? Il en est là le « combat syndical » ?
Faites ce que je dis, mais pas ce que je fais !
C’est d’autant plus intéressant que ces mêmes syndicats s’en prenaient, il y a quelques semaines, au Réseau Liberté-Québec, lequel était soupçonné, selon eux, d’être piloté par de gros intérêts financiers et disposait ainsi de beaucoup d’argent. Là aussi, se fût « affirmé sans preuve », comme le dirait Patrick Gauthier.
D’autant plus que, pour participer à la réunion de Québec ainsi qu’à la prochaine qui aura lieue à Montréal, chacun des participants du RLQ a dû et devra débourser entre 45 et 50 dollars. Mieux encore, des autobus achemineront les participants de la vieille capitale, au coût de 70$ environ… je le précise, ce sont les participants qui doivent payer ici, non pas le RLQ !
Imaginons seulement l’inverse : le RLQ donnant une « subvention » pour inciter les gens à venir à leur rassemblement. Imaginez juste la réaction des médias syndicalisés ! Sauf que là, dans le cas de la CSN qui donne 50$, ou de la CSQ qui fourni l’hébergement à ses membres de la Montérégie, on parle de l’argent des cotisations des membres et non pas de fonds privés. Ainsi, les adhérents de la CSN ou de la CSQ, qui ne partagent pas les idées de « l’Alliance syndicale », n’auront pas le choix que de subventionner les activités idéologiques des syndicats. Ils n’en ont pas le choix !
En attendant, mon message posté sur le site « Rue Frontenac » est toujours censuré, malgré le fait d’avoir répondu par courriel à monsieur Patrick Gauthier, lui exposant le résultat de mes recherches et en lui démontrant que rien de ce que j’ai pu écrire, n’avait pas été confirmé par la CSN elle-même.
Je pose donc la question : le fait de ne pas parler des manifestants subventionnés avec l’argent des cotisations, est-ce un mensonge par omission, ou une simple censure corporatiste complaisante ?
Pour plus d’informations :
- « Manif de figurants« , par Éric Duhaime (Le Journal de Québec, 10 mars 2011)
- « Manifestation à Montréal contre la tarification des services publics« , (Rue Frontenac, 12 mars 2011)
14 Comments
Jean-Pierre H.
Intéressant! Je vous lis depuis peu, mais je remarque que par deux fois, vous avez mis des journalistes en face de leurs contradictions et surtout, de leur manque de professionnalisme.
D’abord Michèle Ouimet, qui affirme que le kirpan n’a jamais été utilisé dans des actes de violence: vous lui démontrez le contraire avec plusieurs exemples. Ensuite Patrick Gauthier, qui n’a même pas été voir son propre syndicat afin d’obtenir la bonne information.
Dans les deux cas, un média « alternatif » comme le votre, a fait mieux que des journalistes professionnels et établis! C’est assez symptomatique de notre époque, vous ne trouvez pas?
Les vieux médias syndicalisés (je reprends votre expression), n’arrivent plus à maintenir un niveau de qualité suffisant pour les rendre crédibles. Aucune rigueur, pas beaucoup de recherche ou d’investigation, cela devient du journalisme de salon, où les intérêts corporatistes sont protégés, au détriment de la véritable information.
Car ne soyons pas naïfs, Patrick Gauthier et ses compères connaissent très bien les pratiques de la CSN, ils feignent de ne rien savoir que pour mieux protéger leur syndicat et leurs intérêts.
Bravo pour votre article! Je vous encourage à continuer!
Jean-Philippe Rousseau
Merci Jean-Pierre !
Je ne l’avais pas mentionné, mais vous avez totalement raison : la CSN étant le syndicat des journalistes du Journal de Montréal, cela signifie que Patrick Gauthier n’a même pas pris la peine de contacter son délégué, afin d’avoir la VRAIE information. Mais, comme vous le dites aussi si bien, ne soyons pas naïfs ! ;)
Pour le reste, effectivement, si l’on met de côté l’absence totale de moyens financiers pour Québec Presse, qui fonctionne bénévolement à 100%, on se rend compte que bien des médias comme le notre, prennent régulièrement des journalistes sur le fait, quand il s’agit de mensonges (que cela soit par omission ou pas), de manipulations ou d’orientation très idéologique.
Je ne prétends pas être 100% objectif, justement pas ! Mais à la différence de bien des médias « mainstream », je n’avance pas masqué : ici on le dit, même si Québec Presse n’est pas partisan (dans le sens d’être inféodé à tel ou tel parti politique), il n’en demeure pas moins de droite.
Merci encore pour votre commentaire !
Julie
Rue Frontenac existe encore??? N’ont-ils pas signés l’entente avec Québécor?
Bien des journalistes aiment donner des leçons aux autres, mais ils n’apprécient pas du tout que l’on puisse remettre en cause leur « beau travail » et leur prétendue objectivité.
Bonne journée.
EasyRider
J’ai eu quelques-uns de mes commentaires qui sont aussi passés dans le tordeur sur rue Frontenac! Pourtant, sans avoir les mêmes idées que la bande du journal, ce n’est pas mon genre de manquer de respect ou d’insulter les gens.
Mais dès que tu mets le doigt sur quelque chose qui est gênant, c’est censuré!
Sébas
Ah voilà une belle analyse: merci pour ces *informations* !
Un autre excellent blogue dans mes favoris !
Lâchez pas!
;-)
Mario Legault
Rue Frontenac m’a souvent donné envie de lire le Journal de Montréal. Tout ce que tu dis confirme juste un peu plus une chose: il y a, dans le monde journalistique en général, un manque flagrant de rigueur au travail.
Pierre Langlois
Je suis régulièrement censuré sur le site de Rue Frontenac. Impossible de corriger les analyses politiques simplistes de Marco Fortier par exemple….
Marie T.
Vu le piètre niveau de Rue Frontenac, il est assez évident que cela ne met pas en valeur les journalistes qui y travaillent. Textes souvent bâclés, imprécis et à la syntaxe très approximative, ce « journal » en ligne n’a jamais su démontrer pourquoi il fallait abandonner le Journal de Montréal, si tant est qu’on aie pu, un jour, en être adepte.
J’y suis allé de temps en temps, mais sans vraiment y trouver grand chose. Être directrice d’un journal, à part peut-être deux ou trois d’entre-eux, je ne me fatiguerai même pas à faire la moindre entrevue d’embauche avec cette équipe.
Censure ? Oui, certainement ! En l’absence d’argument, la censure demeure encore la meilleure arme… avec l’insulte.
J’espère juste que Patrick Gauthier a d’autres talents, parce que celui de journaliste n’en fait manifestement pas partie.
Devrait-on perdre notre temps avec eux ? Je ne pense pas ! Mais merci pour cette belle mise au point, qui a le mérite d’être claire, contrairement aux « arguments » que vous a envoyé l’ami Gauthier.
Martin R.
M. Rousseau,
Je vous ferai remarquer que ce n’est pas seulement le site de RueFrontenac.com qui censure les commentaires qui ne leurs plaisent pas; je dirais que presque tous les blogues de gauches le font. Je ne nommerai pas celui donc je fais référence pour ne pas lui faire de publicité, mais à chaque fois que je laisse un commentaire, j’attends parfois plusieurs jours, alors que le sujet n’est plus d’actualité.
J’en ai fait la remarque à ce blogueur une fois, et il m’a répondu qu’il n’avait pas été voir ses courriel. Pourquoi les autres sont publiés et non les miens ? Je ne sais pas. Le plus drôle, c’est qu’il se dit polémiste et qu’il a des opinions très tranchées, mais on dirait qu’il a peur d’en débattre.
Félix Cauchy-Charest
M. Rousseau, je vous invite à être à l’écoute de l’émission de Mario Dumont à V ce soir qui recevra Pierre Patry, trésorier de la CSN, qui viendra rétablit les faits.
Également, je vous spécifie que les statuts et règlements de la CSN et des syndicats membres interdisent ce genre de pratique.
Je vous invite, par ailleurs, à venir au 63ème Congrès de la CSN, les états financiers seront dévoilés aux membres, en toute transparence. Le budget est également voté, démocratiquement, pas de secrets chez nous. http://www.csn.qc.ca/web/63eme-congres-de-la-csn/accueil
Jean-Philippe Rousseau
M. Cauchy-Charest,
Marie, qui a répondu plus bas, a quelque peu devancé mon commentaire : Michelle Filteau a déjà eu l’occasion de s’exprimer sur le sujet, y’a t-il eu un revirement de situation à la CSN ? Y’a t-il plusieurs politiques en fonction des personnes que l’on interroge ?
J’écouterai donc avec intérêt la réponse de Pierre Patry, en espérant qu’elle puisse lever toutes les ambiguïtés, parce que jusqu’à présent, reconnaissez que la position de la CSN est bien difficile à suivre !
En attendant, merci pour l’information.
Un syndiqué
Anyway le zouf, prendre MES cotisations pour organiser une manifestation pour laquelle je ne suis pas d’accord, c’est un scandale! Le reste, c’est de la crisse de bullshit!
Marie T.
Étonnante réponse quand on sait que Steve Proulx, chroniqueur sur Yahoo! actualités, a contacté la CSN qui lui a confirmé la pratique.
Je le cite :
Au téléphone, la porte-parole de la CSN, Michelle Filteau, précise qu’aucun militant de Montréal n’est payé pour participer à la manifestation du 12 mars contre la privatisation des services.
Cela dit, un militant montréalais n’a qu’à débourser le coût d’un ticket de métro pour participer à la manif.
Le militant gaspésien, quant à lui, doit se taper 1000 kilomètres de route et «booker» deux journées de sa vie pour brandir des pancartes pendant deux heures à la Place du Canada à Montréal.
L’implication n’est pas la même.
Voilà pourquoi la CSN offre le transport, le goûter, l’hébergement et un per diem aux militants qui oseront faire la route de Percé à Montréal pour exercer leur droit démocratique de manifester.
Source de l’extrait : http://fr-ca.actualites.yahoo.com/blogues/la-chronique-de-steve-proulx/le-vieux-truc-d-ric-duhaime-20110311-104636-468.html
Euh...
À mon avis, les militants « payés » devraient se syndiquer. Parce que 50$ pour partie de Matane, venir à Montréal et repartir à Matane après… c’est quasiment de l’exploitation!