Je vous préviens (avant que vous m’écriviez des bêtises), ce titre est volontairement provocateur et ne représente absolument pas mon point de vue. En fait, l’idée m’est venue à force de lire certains commentaires et prises de positions, où l’on retrouve les mêmes vieilles idées : telles qu’interdire les mises en échec, ou encore plus farfelu, poursuivre Zdeno Chara en justice !
Dès que cela concerne le hockey et plus encore nos Canadiens, tout devient vite très émotif. Ajoutez à cela l’équipe des Bruins de Boston, une équipe que l’on aime détester depuis 90 ans. Et de cette équipe, l’un des joueurs les plus haï des partisans (avec Milan Lucic), j’ai nommé le fameux Zdeno Chara, déjà hué à chaque fois qu’il touchait la rondelle au Centre Bell. Hockey, Canadiens, Bruins, Chara… admettez qu’en partant, on parle bien ici d’un cocktail très explosif !
Et je m’en confesse sans aucun problème, ma réaction hier soir fut d’abord émotive. Et c’est d’ailleurs pour cela que la mise en échec de Zdeno Chara sur Max Pacioretty, restera longtemps dans ma mémoire et, je suppose, dans la votre.
Un tel incident n’est jamais beau à voir et cela nous a tous saisi : au Centre Bell, dans les bars sportifs et dans nos demeures. Après nous avoir saisi, cela nous a même effrayé, au moment de voir les reprises… ces reprises au ralenti, où l’on a tout notre temps pour constater la violence de l’impact et réaliser à quel point le choc a dû être terrible pour Pacioretty.
Je vous le dis, je pensais au départ que le jeune attaquant des Canadiens était mort, ou totalement paralysé… sur le coup, je ne savais plus trop ce qui pouvait être « le moins pire » pour Max. En discutant de l’incident au travail, ce matin, j’ai vu que nous étions beaucoup à avoir pensé à la mort du joueur de hockey, sur la glace même du Temple de ce sport !
Tout d’abord, l’émotion
Et, comme beaucoup, j’y suis allé de mes commentaires pas toujours très subtils, sur Twitter et Facebook. C’était émotif, comme toutes les réactions que j’ai pu lire. De plus, dans ce genre de situation, les commentaires des uns alimentent l’émotion et la réaction des autres. Nous étions tous choqués, et c’est bien normal ; nous réagissions tous « à chaud », ce qui était tout à fait naturel. Sauf qu’aujourd’hui, au lieu de s’arracher les cheveux chez soi, ou avec des amis dans un bar, on le fait à la planète entière sur Twitter. Ce genre de média a les défauts de ses qualités : il est instantané et simple. Il ne permet donc pas ou peu de recul sur les événements, pas ou peu de véritables réflexions (on parle de 140 caractères pour Twitter). Alors on embarque dans la spirale, on laisse aller nos émotions, comme j’ai pu le faire moi-même. Et c’est bien correct ! Nous sommes des êtres humains, nous avons été les témoins de quelque chose d’assez terrible, alors nous réagissons.
Notre opinion n’a que peu de portée ou d’influence. Cela serait différent pour un décideur d’entreprise, un entraineur, voire même un gouvernant : c’est dans des situations particulièrement émotives, que l’on reconnait les bons leaders qui sont capables de mettre de côté l’impulsion, au profit de la raison. Mais en tant qu’observateurs, on ne va tout de même pas brider nos sentiments, vous ne trouvez pas ?
Ensuite, la réflexion
Ce qui est bien avec l’exercice d’écriture, comme je le fais ici, c’est que cela donne le temps de réfléchir. Cela donne un peu plus de recul et force a ne plus juste penser avec le cœur ou les tripes (c’est selon). Je me suis également laissé du temps. Une journée entière où j’ai pu écouter différents avis. Écouter le point de vue d’anciens ou d’actuels joueurs de hockey. De revoir et d’analyser les images et d’essayer de me détacher de mon allégeance partisane, ce qui est, sans doute, le plus difficile.
Ce travail, il est obligatoire si l’on ne veut pas être uniquement dirigé par ses émotions. C’est valable pour l’incident d’hier soir, c’est aussi valable pour un grand nombre de sujets ou de décisions que l’on doit prendre dans sa vie. Vous le savez, lorsque vous voyez quelqu’un qui ne marche qu’avec ses émotions, cela devient vite pénible et vous devez consacrer beaucoup de temps à le convaincre qu’il faut parfois savoir être raisonnable et logique.
Les faits
Il reste une vingtaine de secondes à la deuxième période. Le Canadien de Montréal est en train de donner une leçon aux Bruins de Boston, avec quatre buts marqués depuis le début de la rencontre, sans même que les adversaires aient pu s’illustrer au pointage.
Mise en jeu en territoire du Canadien gagnée par Campbell, des Bruins (ironiquement le fils du préfet de discipline de la LNH). Mais le joueur de centre envoi la rondelle un peu trop fortement de l’autre côté de la patinoire, où il n’y a aucun joueur de présent. Chara, qui était au centre de la ligne bleue, doit absolument récupérer la rondelle pour éviter une échappée du Canadien.
Au même moment, Pacioretty qui avait légèrement devancé l’action, patine le plus vite possible pour prendre Chara de vitesse par sa gauche, le long de la clôture. Il y parvient d’ailleurs assez bien, en repoussant la rondelle en zone de Boston, mais au même moment, Chara applique une solide mise en échec à l’ailier du Canadien, à l’endroit même où débute la baie vitrée entre les deux bancs des équipes. Sa tête heurte de plein fouet le poteau qui maintient la baie vitrée et il s’effondre instantanément sur la glace.
Je ne reviendrais pas sur la suite des événements, vous les connaissez.
Chara devait empêcher l’échappée de Pacioretty
D’abord, que devait faire Zdeno Chara dans ce genre de situation ? Regardez tous les matches de hockey que vous voudrez, mais lorsque la rondelle part toute seule et sort du territoire adverse où vous essayez de construire une attaque, vous devez faire en sorte de la récupérer et de la contrôler avant que l’adversaire puisse le faire et créer une occasion de marquer.
Revoyez la mise en jeu : quatre des cinq joueurs de Boston sont placés assez profondément dans la zone du Canadien, reste Zdeno Chara seul sur la ligne bleue pour couvrir les arrières, afin d’éviter les échappées. C’est le schéma classique d’une équipe qui tire de l’arrière et qui doit prendre des risques pour revenir au score.
Le rôle d’un défenseur comme Chara est d’empêcher de se faire déborder. Il est payé très cher pour ça. Dans cette situation, Pacioretty a été plus rapide que Chara a réagir. Peut-être que le défenseur de Boston était pris à contre-pied d’ailleurs, c’est assez difficile à dire.
Alors évidemment, si Chara ne parvient pas à reprendre le contrôle de la rondelle, il ne reste que la mise en échec ou l’accrochage, mais ce qui provoque souvent des pénalités. Dans ce cas ci, Zdeno Chara choisi de plaquer Max Pacioretty sur la bande. Sachant ce qui s’est produit, peut-être aurait-il mieux fait de simplement l’accrocher avec son bâton…
Les trois erreurs de Zdeno Chara
En s’arrêtant là dans l’analyse, Chara reste le fautif. D’abord, le défenseur est pris de vitesse et n’a pas su devancer l’action comme l’a très bien fait Max Pacioretty, au moment de la mise en jeu. Première erreur.
Ensuite, l’ailier du Canadien n’était plus en possession de la rondelle lorsque Chara l’a mis en échec. Nous sommes donc dans une situation d’obstruction. Deuxième erreur.
Pour finir, et c’est là qu’est le plus grave, Chara a très distinctement poussé la tête de Pacioretty vers le coin de la baie vitrée. Si vous avez des doutes, regardez attentivement la photo placée en début d’article : le gant de Chara est placée sur le visage du numéro 67 du Canadien. Et ne me dites surtout pas que Chara mesure 6’9″ et donc, quoiqu’il fasse avec ses bras, ils paraitront toujours trop hauts par-rapport aux autres joueurs, c’est totalement faux !
D’abord, Max Pacioretty ce n’est pas David Desharnais : Max mesure 6’2″. De plus, regardez bien le bras de Chara : il a monté son bras gauche au moins à la hauteur de son épaule, ce qui démontre assez bien, je trouve, l’intention qu’il avait d’utiliser son bras pour plaquer le visage de son adversaire. Sinon, que faisait donc son bras placé si haut ?
Et c’est la position de ce bras qui est difficilement acceptable dans ce cas. Que Chara aie voulu plaquer Pacioretty, ça se comprend, c’est ce que tous les joueurs auraient fait dans cette situation. Par contre, là où l’on peut s’interroger sur les motivations de Chara, c’est lorsque l’on regarde la position de son bras et surtout, le fait qu’il ait poussé la tête du joueur vers le poteau.
Depuis quand il est possible de plaquer la tête d’un adversaire sur la clôture ? Et là je ne parle même pas du poteau de la baie vitrée ! Même à un autre endroit sur la patinoire, est-ce permis de se servir de son bras pour « étamper » la face de l’adversaire sur la baie vitrée ? Me semble pas ! Je me trompe ?
Une ligue de broche à fouin
Sachant cela, comment peut-on accepter que Zdeno Chara puisse s’en sortir blanc comme neige ? Sur le coup, je pensais à 15 matches de suspension, mais de manière plus réaliste (et moins émotive donc), une suspension de 4 ou 5 matches aurait été logique. Je sais bien que Chara n’est pas coutumier des coups vicieux. Il peut perdre un peu la carte parfois, mais il n’est pas le seul dans la ligue et on peut difficilement croire qu’il voulait, de manière consciente, blesser Pacioretty.
Sur ce point, je partage l’avis de Ian Laperrière : Chara voulait sans doute « geler » Pacioretty, sans plus. C’est donc pour cela qu’un cinq matches de suspension, en signe d’avertissement à l’intéressé (et aux autres), semblait presque inévitable. Mais là, quel signal donne la ligue aux joueurs ? En fait, si plaquer un adversaire ne vous semble pas suffisant, vous pouvez toujours utiliser votre bras, pour être bien certain que sa tête frappe également la baie vitrée !
Évidemment, ce geste, ainsi que le dangereux laxisme de la ligue, donne des munitions à ceux qui veulent contraindre la LNH a abolir certains type de contact, voire même la mise en échec !
Ce qu’il faut sévèrement punir, ce sont les coups salauds, les coups vicieux qui sont destinés à blesser. Qu’ils soient fait consciemment ou instinctivement, ils doivent être punis, car nous sommes responsables de nos actes. Il n’y a que les circonstances qui peuvent être atténuantes ou aggravantes, mais les faits restent des faits.
Par contre, va t-on abolir un sport ou ce qui fait l’identité d’un sport, sous pretexte qu’il est dangereux et qu’il y a, parfois, des blessures ?
Il y a beaucoup plus dangereux que le hockey !
Gilles Villeneuve, Ayrton Senna, Jochen Rindt, Roland Ratzenberger, Riccardo Paletti, Jim Clark… pour ne citer qu’eux, sont tous morts en pratiquant leur sport : la formule 1. Et je ne parle même pas des blessés, comme le dramatique incendie de la monoplace de Niki Lauda, qui le défigura pour le restant de ses jours. Sachant cela, faut-il bannir la formule 1 ?
Tous les pilotes sont bien conscients des risques encourus. Aucun n’est contraint d’embarquer dans un bolide, ils le font en connaissance de cause. D’ailleurs, qu’à fait Niki Lauda six semaines après son accident, alors que les brûlures sur son visage n’étaient même pas encore tout à fait cicatrisées ? Il a repris le volant de sa formule 1 pour le Grand-Prix d’Italie !
Pareil pour la boxe, le parachutisme, le bobsleigh (souvenons-nous des derniers Olympiques), le parapente, l’escalade, le football canadien ou américain, le rugby et tous les sports extrêmes… ils comportent tous leur lot de dangers. Et si l’on ne parle pas des blessures ou des accidents dans ces sports, c’est peut-être aussi parce qu’ils sont moins médiatisés.
La force, mais dans ce cas ci, la faiblesse du hockey, c’est d’être regardé par des millions de Canadiens, analysé sous toutes ses coutures par des milliers de personnes. Rien n’échappe aux médias… est-ce que cela donne le droit aux gens, la plupart du temps extérieurs à ce sport, de prendre des décisions à la place des principaux intéressés ? Je ne pense pas !
Oui, la ligue doit agir contre les coups salauds, ça, c’est bien certain ! Mais de vouloir légiférer, ou poursuivre en justice pour des coups portés par des joueurs, cela devient vraiment ridicule ! Va t-on voir un boxeur mis KO sur le ring, porter plainte contre son adversaire pour coups et blessures ? Va t-on voir un pilote de Formule 1 poursuivre le constructeur automobile pour négligence, s’il lui arrive un accident ? Si un joueur de rugby brise le fémur d’un adversaire en le plaquant, va t-il risquer la prison ? Sérieusement, je pense qu’il y en a qui ont trop de temps libres, ou qui veulent se faire un nom sur le dos de notre sport national.
Chacun a le droit de critiquer ou de juger l’événement d’hier, mais il faut aussi savoir rester dans les limites du raisonnable. De plus, cela aide si l’on veut garder une certaine crédibilité.