Avec l’élimination du Canadien de Montréal, il y a moins de choses à écrire sur le hockey, évidemment. Il y aurait bien des choses à dire, concernant l’éventuelle vente de l’équipe, les rumeurs concernant les entraîneurs-chefs potentiels, les frasques de Gary Bettman face à sa bête noire, Jim Balsillie… mais rien n’étant véritablement confirmé, je reste prudent avec tous ces bruits de couloirs.
Par contre, aujourd’hui, j’ai pris part à un intéressant débat sur le hockey et la glorification de quelques “débiles incultes”, sur le blogue de JT UTAH : 25stanley.com .
Son blogue a beau l’air “léger” et parlant beaucoup des frasques nocturnes de nos joueurs favoris, cela ne m’a jamais empêché de le visiter régulièrement, pour me détendre, mais aussi, je l’avoue, par curiosité. Je le trouve bien fait, et d’ailleurs, cela fait bien longtemps qu’il est présent dans ma liste de liens.
Aujourd’hui donc, il était question de la glorification outrancière de certains joueurs de hockey. Illustrant le propos, un message posté par un certain “Guy LeVasseur” qui prend bien soin d’énumérer un véritable catalogue de titres. Ainsi, il se définit lui-même comme, je le cite : “spécialiste en communications, en publicité, en anthropologie et en analyses socio démographiques” . Excusez du peu !
Certes, cela pourrait être vrai… mais entendons-nous que ce genre de “spécialiste” se retrouvent plutôt dans les colonnes de La Presse que sur des blogues de hockey. D’ailleurs, ce Guy LeVasseur avait posté le même message il y a quelques mois, ici-même ! Manque d’inspiration ou fainéantise pure et simple ? Je ne le sais pas !
Là où je remets en doute son “catalogue” de titre pompeux et présomptueux, c’est lorsque l’on étudie sa prose de plus près…
Le hockey sur glace au Québec fut un temps de notre histoire, notre sport national dans les années 50 et 60, lorsque la LNH était composé des six équipes d’origine.
En ces temps de révolution tranquille, la population québécoise était simplement spectatrice et ne pratiquait aucuns sports d’hiver ou d’été.
Lorsque l’on ouvre les livres d’histoire, on constate, au contraire, la très grande importance que revêt les loisirs et des sports avant et durant la “Révolution tranquille”. Françoise Tétu de Labsade, par exemple, dans son superbe ouvrage “Le Québec : un pays, une culture” (éditions Boréal), parle des efforts soutenus pour unifier les fédérations sportives dans les années 60. De nombreux Québécois pratiquent le patinage ou le hockey sur des patinoires en plein-air improvisées. Les enfants rejouaient, déjà à cette époque, les matches de leurs héros du Tricolore.
Certes, ce n’était pas de la haute compétition. Le sport amateur organisé était pratiquement inexistant, mais cela était valable pour l’ensemble des pays occidentaux. Ce sont les années 70 et surtout 80, qui ont vu exploser l’activité physique et le sport. Mais c’est logique, la retransmission des grands événements sportifs, comme les Jeux Olympiques, ainsi que la promotion de la bonne santé par l’activité physique y était pour beaucoup.
Le soccer par exemple a pris une importance telle au sein de notre société qu’elle détrône désormais le hockey sur glace par un large écart au niveau du nombre d’inscriptions en fédération sportive et surtout, il s’agit d’une discipline qui est pratiquée à part égales par les jeunes garçons et les jeunes filles.
J’avoue que ce paragraphe est assez pathétique ! Comparer le soccer avec le hockey, c’est aussi intelligent que de comparer Beethoven avec Lady Gaga ! Pourquoi ? Parce qu’à de nombreux points de vue, ça n’a rien à voir !
Je ne nie pas la popularité du soccer. Mais entendons-nous bien, ça prend quoi pour jouer au soccer ? Une paire de running-shoes à 50 piastres, un bout de gazon et une belle après-midi ensoleillée ? C’est tout ! N’importe qui peut s’improviser joueur de soccer. Quelles sont les habilités indispensables pour y jouer ? Savoir courir… le reste, c’est de la pratique.
Côté hockey, c’est une toute autre histoire ! Ça prend des patins… disons qu’on ne vise pas la haute compétition, alors on peut trouver des patins “pas-pire” pour 150$. Un bâton, on va en prendre un en bois, bien basique, c’est 40$, mais il se pourrait que l’on doive en racheter d’autres durant la saison, n’est-ce pas ? Des protections (genouillères, jambières, casque…) qui peuvent se monter à un total de 350-400$ facile. Rien qu’avec ça, on arrive 500$ minimum… et je n’ai pas compté le chandail, les rubans, la location de la patinoire !
Et quand on est enfant, ce genre d’équipement doit être racheté à chaque changement de taille !
Comment donc pouvons-nous sérieusement comparer l’un des sports les moins onéreux, avec l’un des sports les plus dispendieux au monde ? C’est un peu comme se demander pourquoi les motels “Super 8” sont plus populaires que les hôtels Fairmont !
Il est évident que depuis les années 70, l’importance du hockey sur glace dans l’imaginaire des jeunes québécois du primaire, du secondaire, du collégial et des universités s’amenuise considérablement et fond comme neige au soleil année après année.
Le hockey sur glace est désormais considéré par la majorité de la jeunesse québécoise sportive comme une discipline sportive de “Mon Oncles” complètement dépassée et basée sur la violence. Les vedettes de la LNH et de la LHJMQ sont ainsi considérées par cette même jeunesse sportive comme des débiles légers incultes, sans éducation et surtout arrogants et surpayés. Les évènements récents au CH (les frères K) et à la LHJMQ (le fils de Patrick Roy) semblent leur donner entièrement raison. Les jeunes joueurs de hockey du primaire, du secondaire et du collégial sont la risée des autres jeunes sportifs du même âge et se referment ainsi sur eux même dans une sous culture fermée.
J’apprécie beaucoup le “il est évident que…”, comme si ça coulait de source, que les faits étaient clairs et incontestables. Ici, l’auteur tente d’imposer son point de vue en écartant tout débat. Le fait même d’employer “il est évident que…” démontre que Guy Levasseur se ferme à toute idée contradictoire.
Pourtant, son argumentation est, bien au contraire, très contestable ! Et là, les chiffres et les faits sont bel et bien existants pour étayer ma thèse.
Jamais le hockey n’a été aussi populaire au Québec ! Jamais ! Le Centre Bell affiche complet à tous les matches locaux depuis la saison 2005-2006 et ce, donc, pour 41 matches par an, sans compter les séries éliminatoires. RDS, pourtant un réseau du câble, a battu des records d’audience. La plupart des matches du Canadien son millionnaires et l’on a même atteint 1.8 millions d’audience durant les séries de la saison 2007-2008. Soit plus que “Star Académie” et “Tout le monde en parle”, les deux émissions les plus populaires de la télévision généraliste.
La jeunesse considère les joueurs de hockey comme des “débiles” ? Voyons donc ! Je vois des gamins porter des t-shirts du Canadien ou des casquettes du CH à tous les coins de rue ! La patinoire extérieur de mon quartier, était prise d’assaut cet hiver par des dizaines de jeunes avec des chandails du Tricolore… ce qui ne leur empêche pas de jouer au soccer durant l’été. Normal, je reste dans la Petite-Italie. Mais même dans les commerces italiens, pourtant de gros fanatiques du soccer, il y a très souvent un drapeau du Canadien et les matches sont retransmis dans les bars !
Mais surtout… avez-vous vu le monde durant les entraînements du CH ? Soit au Centre Bell, soit au centre d’entraînement Dix30, des centaines de jeunes viennent acclamer les joueurs ! Et je ne parle même pas du vaste succès de la patinoire extérieure du quartier St-Michel.
Baisse de popularité du hockey ? Il faut être sacrement aveugle ou de mauvaise-foi pour affirmer une telle chose !
Vedettes surpayés et débiles ? Peut-être, mais ne peut-on pas coller ces épithètes à l’ensembles des sports considérés comme “majeurs” ? Lorsque l’on écoute une vedette de soccer européen en entrevue, vedette parfois bien plus surpayée que nos joueurs de hockey, est-ce que cela respire toujours l’intelligence ? Je ne crois pas ! Et ce n’est pas un reproche ! … Ils sont tous récupérés très jeunes, dans un système de fédération sportive, dans lequel ils vont se développer, mettant, de facto, les études et leur scolarité de côté.
C’est peut-être triste, mais ces athlètes sont payées pour jouer et gagner des matches, pas pour remporter un prix Nobel de physique ! De la même façon, les esprits les plus brillants sont rarement de grands sportifs… Question de priorité, de temps et d’intérêt !
Les jeunes filles ‘’souris d’arénas’’ admiratrices de joueurs de Hockey du junior AAA sont aussi isolées et déjà considérées par les autres garçons et filles sportives de leur âge, comme des ‘’putasses junior’’ qui finiront un jour soit sur la rue St-Laurent à Montréal, soit comme danseuses chez Paré pour les plus belles ou dans le Bar du deuxième rang de ‘’Saint-Pouces en bas de la Carte’’ pour les plus moches.
Les parents des jeunes joueurs de hockey sont perçus comme étant atteints du syndrome ‘’CVL’’ (Comme Vincent Lecavalier) qui ont forcé leurs enfants à pratiquer le hockey sur glace contre la volonté même de plusieurs de ces jeunes, intéressés par d’autres sports ou il est plus facile de rencontrer de ‘’Vrai Filles’’ de leur âge, elle même sportives. Ces parents atteints du syndrome CVL et complètement aveuglés par leur rêve projeté sur leurs enfants sont ainsi prêts à agresser physiquement un autre joueur, un autre parent, un arbitre ou un entraineur qui nuit à leur rêve de voir un jour leurs fils sélectionné au sein de la LNH, si possible dans le sud des USA, pour se faire payer une belle maison à Miami ou Tampa Bay par leur fils maintenant millionnaire.
Ah ! C’est vrai que des jeunes filles en chaleur devant des joueurs de football, de soccer, de base-ball… ça n’existe pas ! Ainsi, y’a vraiment juste au hockey que l’on voit ça ? Les hystériques dans les shows de Star-Académie, les groupies d’artistes, les paparazzi en culottes courtes, ça ne s’est jamais vu !
Il y a effectivement des choses à dire au niveau de la glorification des nouvelles “idoles” du hockey. Il faut toutefois faire preuve de jugement et différencier les groupies des véritables amateurs de ce fabuleux sport. Les groupies sont ceux qui vont aduler Price ou les frères Tétines par mode, parce qu’ils ont une face “cute”, parce qu’ils sont jeunes et riches. Ce genre de glorification ne dure jamais longtemps : souvenez-vous d’un certain José Théodore.
Les vraies idoles sont celles qui durent et qui transcendent les générations. Price pourrait en faire partie, non pas parce qu’il est “cute”, mais parce qu’en plus, il gagnera des championnats, des coupes, des trophées. Il saura aussi montrer qu’il a une personnalité généreuse à l’extérieur de la patinoire. Admettons que, pour le moment, on en est loin, mais il y a espoir.
Pourquoi Béliveau est si respecté et adulé ? Les jeunes avec la casquette à l’envers, qui ne l’ont pourtant jamais vu jouer, autant que les “séniors” lui font une ovation à chaque fois qu’il se présente sur la patinoire pour un hommage. Car il fût un grand joueur… c’est vrai, mais aussi parce qu’il sert d’exemple par son comportement hors de la glace.
Il n’existe personne de cette trempe aujourd’hui ? Peut-être… mais il est encore trop tôt pour en être sûrs. De plus, des gens de la trempe de Béliveau, y’en a peut-être un tous les 10 ou 20 ans ! …
Pour ma part, même si je ne le compare pas avec Béliveau, un Martin Brodeur est un exemple… Un exemple de travail, de rigueur, de combativité. Oui, il n’est pas flamboyant, il est au contraire discret… mais il y a beaucoup de héros modernes qui le sont par leurs actes et leur comportement, non pas par l’étendue de leur grande gueule.
Mettons de côté les Price et les frères Tétines qui, eux, ont encore beaucoup d’années devant eux pour démontrer ce qu’ils sont vraiment… mais des Koïvu (même si je ne suis pas son plus grand fan), des Bouillon, des Bégin, des Kostopoulos même ! Sont autant d’exemples et de joueurs qui nous inspirent naturellement le respect et une certaine admiration. Encore une fois, on est encore loin de Béliveau, mais la combativité de Koïvu, surtout devant la maladie et les blessures, la volonté et le cœur de Bouillon de Bégin et de Kosto… sont des idoles que l’on aura du mal à oublier et qui sont aimées par le public !
Imaginons les frères K échangés cet été… d’ici deux ans, s’ils reviennent magasiner à Montréal, ils passeront inaperçu. Par contre, je vous garanti que si Bégin s’amène au Centre Bell pour un hommage quelconque, il aura une ovation bien sentie de la part des 21,000 spectateurs…
Le temps finit toujours par séparer le bon grain de l’ivraie ! Les vrais héros sont ceux qui traversent les époques et les modes…
En 2009, les vedettes sportives de la majorité des jeunes québécois sportifs s’appellent :
Vincent Bilodeau ou Jennifer Heil : Coupe du monde de ski de bosse
Dominique Maltais : Coupe du monde Snowboard
Jean-François Le Guellec : Coupe du Monde Biathlon
Alexandre Harvey : Coupe du Monde Ski De Fond
etc., etc., etc.,Des athlètes internationaux véritables, éduqués et passionnés mais aussi sous payés et sous médiatisés. (Merci quand même à RDS pour leurs efforts méritoires)
C’est vrai qu’il faut aussi louanger nos athlètes, tous nos athlètes. Mais le phénomène mentionné par Guy Levasseur n’a rien de québécois, il est mondial ! Croyez-vous vraiment que les skieurs français, les joueurs de tennis britanniques, les coureurs allemands ont un plus grand poids médiatique dans leur pays comparativement aux vedettes du soccer ?
Les matches de soccer européens sont diffusés sur les plus grands réseaux télévisés, aux heures de grande écoute. Par contre, on ne peut pas du tout en dire autant pour les autres sports ! Il y a peut-être le rugby, en Grande-Bretagne et en France, mais les audiences sont bien inférieures à celles d’un match Liverpool-Arsenal !
À Marseille, la ville ne vit QUE pour l’OM ! Même à Paris, l’équipe de rugby du Stade-Français fait pâle figure comparativement au club de soccer du PSG…
Et l’organisation du Canadien de Montréal l’a très bien compris. À preuve les récents cahiers scolaires du CH, ridiculement subventionnés par le ministère de l’éducation et dont la ministre titulaire a des liens directs d’amitié avec des membres de la direction de l’organisation du CH. Dans les faits, l’organisation du CH a compris cette évolution sociale depuis le début des années 70 et s’est lancé depuis plusieurs décennies dans un exercice de sur médiatisation artificielle du hockey sur glace, systématiquement érigé en système, dans le but d’assurer sa survie :
Noyautage des pages sportives des médias écrits puis des médias électroniques.
Réseau complexe d’analystes sportifs de hockey ‘’courtisant’’ (ou prostitués si vous voulez) qui sévissent à La Zone, à 110 %, à L’Antichambre, à Chorus Sport, etc.
Il existe ainsi donc au Québec depuis de nombreuses années, une distorsion effective entre le poids médiatique actuel du hockey sur glace et son importance réelle au sein de la société québécoise.
Les amateurs de hockey sont les premiers à réclamer des nouvelles sur le Canadien ! Lorsqu’il y a des émissions sur d’autres sports, sur Corus (sans “H”), RDS ou autre, il y a des plaintes et l’audience est beaucoup moins bonne. Les médias en font peut-être parfois un peu trop, c’est vrai, mais la demande est bel et bien là aussi ! Signe d’une grande popularité !
Mais encore une fois, si Guy Levasseur vivait en Europe, il écrirait exactement le même genre de texte… mais à l’encontre du soccer !